Bengs Lab

Les business models de l’hyper personnalisation

7 Se préparer à saisir les opportunités de l’hyper personnalisation ?

Expérimentation de l’hyper personnalisation au travers d’une plateforme digitale de service

Illustration de la capacité d’innovation en temps court du Bengs Lab, le Connect and Shape décline le business model de l’hyper personnalisation en une maquette de plateforme digitale de services. La réflexion conduite par les membres du Bengs Lab de la saison 2 sur la période d’octobre 2015 à janvier 2016 a permis l’analyse des limites techniques et fonctionnelles des plateformes de marketplaces existantes. Animés en 4 temps fort, selon Radical Innovation Design for Business, les ateliers d’innovation ont permis de définir l’offre et l’architecture technique innovante d’une marketplace hybride combinant :

  • Les apports du Big Data
  • La puissance de l’Intelligence Artificielle
  • La capacité d’innovation en réseau des réseaux sociaux

La présente étude retrace l’analyse du marché existant, la reformulation du problème posé par la rupture de business model décrite et la maquette de la solution conçue par les membres du Lab.

 

LA MARKETPLACE INTELLIGENTE : CLE DE VOUTE DES MODELES D’HYPER PERSONNALISATION

Sur plus de 3.000 marketplaces actives en Europe au début des années 2000, il n’en reste aujourd’hui, qu’entre 400 et 500. Phénomène de consolidation naturel de marché ? Rupture technologique ? Evolution des comportements et attentes clients ?

Comment les offres de services et modèles économiques historiques doivent-ils se réinventer pour répondre à l’attente d’hyper personnalisation croissante des consommateurs. Les pratiques BtoC sontelles transposables en tous point aux marchés BtoB ?

Dans un marché BtoB en digitalisation croissante, les usages de marketplaces historiquement BtoC constituent un levier indispensable à l’hyper personnalisation en temps réel.

57% du parcours d’achat est réalisé de manière autonome par le prospect

89% des professionnels utilisent le web pour leurs recherches BtoB

46% des acheteurs BtoB ont entre 18 et 34 ans contre 27% en 2012

42% des recherches BtoB passent par le canal mobile (+91% en 2 ans)

90% des clics se font sur la 1ère page de résultats

 

L’INCAPACITE DES MARKETPLACES A REPONDRE AUX ATTENTES D’HYPER PERSONNALISATION EN BTOB

Si les modèles historiques classiques de marketplaces (agrégateurs ou de sourcing) adaptés au BtoB permettent une digitalisation de l’acte d’achat, leurs business models ne favorisent ni l’innovation ni la prise en compte des attentes d’hyper personnalisation.

Le modèle agrégateur

Première génération de marketplaces, le modèle agrégateur vise à rassembler en un lieu virtuel unique, les catalogues des offres fournisseurs répertoriées par familles de biens ou de services. Le client évolue entre des choix finis et standardisés imposés par les offreurs. La valeur ajoutée du modèle agrégateur porte principalement sur l’unicité de lieu et la simplicité de la recherche : il peut être assimilé à un comparateur de prix. 3 modèles économiques successifs ont vu le jour :

  • Le modèle référencement : chaque fournisseur paie à l’opérateur de la plateforme un droit à référencement indexé sur le nombre d’articles référencés.
  • Le modèle transactionnel : un pourcentage de la transaction est prélevé par l’opérateur de la plateforme lors de chaque achat de biens ou services par un client.
  • Le modèle mixte : des frais d’insertion puis une commission sont prélevés sur les transactions.

L’opérateur de plateforme est certes, perçu comme un intermédiaire de confiance financier, mais pas comme un prescripteur référent de confiance. Le consommateur ne voit pas en la plateforme un conseiller indépendant des offreurs :

  • Pour l’analyse d’offres comparées.
  • Pour la création d’offres sur-mesure hyper personnalisées. Une exception à cette défiance s’est progressivement répandue comme un standard de marché : la création de bundle d’offres par la marketplace fondés sur l’élaboration de paniers d’achats composés. Exemple : la proposition des consommables associés à l’acquisition d’une imprimante.

Dépassant la simple recherche du moins disant, le consommateur a peu à peu délaissé les plateformes d’analyses comparées « préalimentées » (exemple : fnac.com première génération) pour rechercher des plateformes plus communautaires sur lesquelles les usagers recommandent les offres entre pairs.

Les plateformes dont la promesse était uniquement fondée sur la réduction des coûts, se sont rapidement avérées non rentables. Le modèle visait à agir sur trois leviers :

  • La massification de volume.
  • L’optimisation de la supply chain à toutes les étapes de la transaction (préparation de la transaction, transaction commerciale, transaction prix, transaction physique, transaction financière et bilan qualitatif du processus transactionnel),
  • La gestion d’un processus d’enchères inversées dont les gains restaient souvent captés par les opérateurs de plateformes eux-mêmes.

Ariba, marketplace pure player pionnière, est une illustration de ce modèle dont l’équilibre économique est devenu incertain. Elle proposait des commodités, où la concurrence faisait rage. Les marges offreurs y étaient extrêmement faibles et captées par les commissions prises par la marketplace. Ce modèle n’est pas viable pour les offreurs qui ont progressivement quitté ces plateformes, illustrant une pathologie classique du modèle agrégateur. Ariba s’est entre temps convertie dans la mise à disposition de solutions SaaS d’approvisionnement.

Le modèle sourcing

La seconde génération de marketplaces, développée au début des années 2000, fait de l’opérateur l’animateur de la rencontre entre la demande et l’offre. L’opérateur de la marketplace anime un processus de sélection de panel fournisseurs. Il collecte les cahiers des charges clients et anime le processus de sourcing. Le modèle économique le plus souvent observé vise à faire payer le client demandeur sous la forme d’un abonnement à la plateforme en contrepartie :

  • D’un accès à un vivier de fournisseurs qualifiés et pertinents au regard de la demande.
  • D’une optimisation du processus de négociation financière lors de la contractualisation

Ce modèle proche de l’externalisation du sourcing permet de mutualiser les coûts de veille fournisseurs et d’analyse de solvalité/risque des offreurs. Aboutissement du processus de rationalisation fournisseurs, la marketplace de sourcing répond à deux promesses :

  • Simplicité de l’acte d’achat (assimilable à un processus d’approvisionnement sur catalogue)
  • Conformité aux dispositifs de contrôle interne, de transparence et d’éthique dans le processus d’appel d’offres.

Il est fondé, pour l’opérateur, sur un modèle d’industrialisation du dialogue demandeur/ offreur répondant parfaitement aux besoins d’industrialisation et de récurrence.

Il anime une concurrence en silo du marché fournisseurs rendant impossible :

  • La génération d’innovation transverse.
  • Le traitement de demandes inédites d’hyper personnalisation.

Les opérateurs de sourcing sont généralement spécialisés sur un secteur d’activité. Souvent opérés en direct par l’acteur dominant de l’écosystème, les modèles de plateformes de ce type animent et fédèrent un réseau d’équipementiers relativement stables et aux règles de marché établies. SupAirworld, plateforme de sourcing/approvisionnement paneuropéenne est opérée par Airbus et est dédiée à la filière aéronautique.

 

L’analyse des offres existantes a mis en évidence que les marketplaces BtoB, multi-secteurs ou verticales, ont fondé leurs succès sur des règles de marché et d’échanges précises dans un « canevas stratégique » assez homogène illustré par le graphe ci-dessous :

  • Fournir un large choix de produits ou services

Amazon Business ou Alibaba offrent un éventail quasi illimité de produits et services dans leur catalogue. Il est possible d’acheter une édition de la Bible du XIXème siècle comme un titre de propriété d’un lopin de terre dans la Province du Yunnan. Un facteur clé de succès de cette promesse est la connaissance des tendances du marché et la promesse d’un trafic visiteurs sans équivalent pour attirer les offreurs. Le mécanisme à l’œuvre est le même pour des plateformes généralistes que pour les plateformes « verticales » telles que Covisint, qui a proposé dès les années 2000 une place de marché mondiale des pièces de rechanges pour l’industrie automobile, ou encore Ariba Network, qui propose une mise en relation entre fournisseurs et acheteurs industriels pour l’optimisation des achats et des revenus ainsi que l’optimisation des processus administratifs.

  • Promettre le meilleur prix

Les marketplaces ont une deuxième promesse clé : celle d’offrir le meilleur prix dans leur domaine d’activité aux clients. Au travers de moteurs de recherche pointant sur leurs offres, les fournisseurs auront tendance à baisser leurs prix pour avoir la meilleure position sur le marché. Les marketplaces s’efforcent d’organiser l’information produite de sorte que les inter-comparaisons s’établissent entre les offres. Par construction, les offres de produits ou services sont très largement standardisées créant ainsi les conditions d’un « marché de gros » où l’adaptabilité des prix est clé pour gagner des parts de marché

  • Offrir un cadre de confiance

Le cadre de confiance est apporté à deux niveaux. D’abord au niveau de la transaction, les marketplaces offrent la garantie de paiement pour le vendeur et l’assurance d’être livré pour l’acheteur. Le paiement sans fraude est géré par la plateforme. Ensuite au niveau de la préparation de la transaction, les offres font l’objet de fiches produit de qualité et d’une notation conférant aux acteurs du marché (clients, offreurs, partenaires potentiels) un environnement de confiance qui repose sur l’exclusion naturelle des parties par la plateforme en cas de défaillance. Les taux d’annulation de commandes pour les clients ou les taux d’expéditions en retard pour les fournisseurs ainsi que les notations croisées sur la satisfaction d’ensemble sont des indicateurs rigoureusement suivis des marketplaces BtoB.

  • Proposer des suggestions de produits/services

Progressivement devenue une règle de marché, les recommandations ou suggestions à l’acheteur, de produits ou services pouvant correspondre à ses préférences sont « poussées » par des algorithmes de recommandation. L’acheteur, habitué à faire des recherches sur Internet est sensible à ce genre de services à condition que les résultats atteignent un bon niveau de pertinence.

  • Offrir des solutions intégrées

Des offres complémentaires existant très fréquemment, les marketplaces proposent pour le compte des offreurs d’intégrer certaines offres devenues standards de marché pour le client : côté des offres et au-delà du choix et du prix, Amazon Business propose aux offreurs le stockage et le service d’expédition pour garantir sa promesse au client d’être livré à J+1. Côté demande, Ariba Network propose des solutions logicielles aux acheteurs de sa plateforme pour optimiser leurs processus purchase to pay. Les marketplaces orientées solutions prennent en compte une approche plus globale de l’activité de leurs clients et se servent d’Internet pour combiner leurs produits avec des informations et services complémentaires. Une telle combinaison permet notamment d’offrir aux PME des produits et services jusqu’alors réservés aux grandes entreprises.

  • Simplifier les processus administratifs achats

Toutes les plateformes BtoB proposent de simplifier les processus administratifs depuis la recherche de devis jusqu’au paiement et au service aprèsvente. Alibaba notamment propose des appels à devis émis sur la plateforme et permettant de laisser venir à l’acheteur l’ensemble des offreurs intéressés. Ariba Network propose à ses adhérents de rationaliser les processus depuis la commande jusqu’au paiement permettant aux acteurs d’augmenter le nombre de transactions. Or, ces règles de marché connaissent depuis quelques années leurs limites, en raison des tendances à l’hyper personnalisation.

 

LES BESOINS NON COUVERTS D’UNE MARKETPLACE DE L’HYPER PERSONNALISATION

Permettre la mise en œuvre concrète et opérationnelle à coûts et délais maîtrisés de l’hyper personnalisation dans les contextes BtoB, c’est offrir les caractéristiques suivantes :

 

L’analyse fournit les éléments clés suivants :

  • Fournir un large choix de produits ou services

Il ne s’agit plus tant de fournir un large choix de produits ou services statiques que de proposer l’assemblage personnalisé de produits ou services de base dans une expérience client renouvelée. Par ailleurs, la relation client fondée en conséquence sur de nombreuses « rencontres » exige une vraie compétence sectorielle qui contribue à une spécialisation sectorielle des marketplaces. Le critère de concurrence « large choix » est donc à optimiser.

  • Promettre le meilleur prix

On assiste à un changement de paradigme car la personnalisation permise par le marketing oneto-one sur Internet et les nouvelles technologies de simulation, de représentation graphique haute définition et d’impression 3D pourront à terme proposer des « produits » à haute valeur ajoutée permettant une hausse tarifaire. Le critère de concurrence « meilleur prix » est à atténuer voire à exclure dans la recherche de modèles innovants.

  • Offrir un cadre de confiance

L’accroissement du risque d’éthique, de conformité et de réputation devra être de plus en plus intégré dans la façon d’opérer une plateforme, au risque de ne pas inspirer confiance. Garantir le bon dénouement des transactions financières ne suffit plus, dans un monde où les acteurs sont très informés (ou croient l’être) sur les enjeux sociétaux des activités humaines. Le critère de concurrence « cadre de confiance » doit être renforcé.

  • Proposer des suggestions de produits

L’offre de produits/services évoluant vers l’expérience client (par définition personnalisée) les algorithmes de recommandations continueront à jouer un rôle mais porteront davantage sur des mises en situation des produits et services par rapport aux problématiques individuelles du client en jouant sur l’empathie et l’émotion. Le champ d’application des suggestions changera de nature et les suggestions s’amplifieront très probablement. Le critère de concurrence « suggestions » doit donc être renforcé.

  • Offrir des solutions intégrées

La montée des stratégies « asset light » de bon nombre d’entreprises (surtout PME mais aussi grandes entreprises telle Accor), constitue un appel d’air pour offrir des solutions toujours plus intégrées pour connecter les acteurs « operator » des « asset owner ». Par ailleurs, l’exploitation des solutions sera rendue possible en termes de traitement, de stockage et de transmission de la donnée par les progrès des capacités des infrastructures technologiques. Le critère de concurrence « solutions intégrées » doit donc être renforcé.

  • Simplifier les processus administratifs achats

La simplification des processus achats a été largement commoditisée par le déploiement d’ERP dans l’entreprise et ne participe pas à une proposition de valeur distinctive pour le client entreprise. Le critère de concurrence « simplifier les processus achats » doit donc être optimisé…

 

En outre, quatre critères distinctifs de la valeur ajoutée de marketplace et lieux d’échanges semblent se dégager de nos analyses et commencent à être illustrés par les stratégies d’acteurs :

  • Optimiser les capacités des offreurs dans une logique d’approfondissement de l’économie du partage
  • Offrir un hub de communication pour les acteurs de la chaîne de fabrication
  • Proposer une expérience client dans un timeto-market adapté
  • Mettre à disposition un conseil à valeur ajoutée (conseil juridique, contrôle des risques, patent pooling…)

Ce profil correspond à une plateforme illustrative qui a fait l’objet du Connect & Shape de la Saison 2 du Bengs-Lab.

Les illustrations d’acteurs du marché des marketplaces sont autant de signaux faibles qui viennent soutenir le modèle de « Digital lab ».

En effet, une nouvelle génération de marketplaces BtoB est sur le point d’émerger. Ces modèles gagnants se distinguent par leur capacité à créer une réelle valeur ajoutée pour leurs clients. Nous avons identifié quatre business designs particulièrement prometteurs :

  • L’optimisation des capacités

La plupart des sites BtoB sont perçus comme une réelle menace pour les fournisseurs quand ces derniers appartiennent à des secteurs fragmentés et sont confrontés à des acheteurs concentrés. De nouveaux sites les aident à maximiser l’utilisation de leurs actifs, que ce soient les usines, les camions, les entrepôts ou les conteneurs maritimes. Les participants y échangent des capacités plutôt que de se concurrencer sur des appels d’offres. Le système profite donc à l’ensemble des fournisseurs tout en améliorant la source d’approvisionnement des acheteurs. Un exemple est fourni par la marketplace européenne Floow2 dans le domaine de l’outillage agricole.

  • Les hubs de communication

Dans de nombreux secteurs, la livraison d’un produit ou d’un service au consommateur final associe de nombreux acteurs autour de plusieurs événements. Des plateformes favorisant une meilleure communication entre les entreprises participant à la « chaîne de valeur étendue » peuvent avoir un impact considérable en donnant accès à un ensemble de données clés. Ce modèle devrait s’imposer dans les secteurs fragmentés dont les chaînes logistiques sont complexes. Dans le bâtiment, Bidcom alloue un site web distinct à chaque projet pour permettre à tous les acteurs de vérifier les plans et commandes, d’apporter des modifications aux cahiers des charges et de s’accorder sur les dates de livraisons.

  • L’expérience client dans un time-to-market adapté

L’apparition d’un système interactif en ligne, le « tableau de choix », qui permet à chaque client de configurer son produit à partir d’un menu dynamique de caractéristiques (composants, prix, options de livraison…), révolutionne les relations clients/fournisseurs. Celui de Cisco permet aux clients professionnels de configurer et commander un routeur (network router) en sélectionnant les éléments désirés à partir d’un menu d’options. Par l’offre sur-mesure qu’il propose, le tableau de choix menace l’existence même des sites d’échanges BtoB de première génération. En effet, il se pose en alternative à la variété de produits qu’ils offrent et rend difficile la comparaison des prix lors de l’achat. De plus, le fournisseur obtient ainsi des informations uniques sur chaque client. Dans un cas extrême, le besoin devenant inédit et trop éloigné de la logique du tableau de choix, une aide à l’expression de besoin implicite ou latent devra être envisagée éventuellement dans une scénarisation du besoin, pour raccourcir le délai de formulation de la demande.

  • La mise à disposition d’un conseil à valeur ajoutée

La plateforme offre plusieurs savoir-faire pour mettre au point une offre personnalisée : recherche des combinaisons optimales d’offres préexistantes, négociation des adaptations sur les offres standards, sécurisation de la marge pour les acteurs, protection juridique des innovations collaboratives, contrôle de conformité des offreurs, valorisation des déchets issus des négociations sur les adaptations d’offres standards. Les quatre business designs résumés ci-dessus dépassent la simple notion de marketplace et offrent des approches créatrices de valeur. La combinaison d’éléments tirés de plusieurs d’entre eux en un, le Digital Lab, permettra de concevoir les modèles gagnants de demain qui sauront garantir un intérêt mutuel des parties et tirer profit de la capacité d’intégration qu’offre le digital. Le Connect & Shape définit une marketplace innovante permettant la transformation des business models induits par les besoins croissants d’hyper personnalisation BtoB.