Bengs Lab

La donnée, nouvel épicentre de l’innovation

3 Maximiser la valeur nette de la donnée ?

Un nouveau cadre de gouvernance

Le modèle précédemment décrit ainsi que les fonctions émergentes dans les organisations nécessitent un nouveau cadre qui doit permettre la transmission d’informations, favorisant l’émergence d’innovations et de nouveaux usages. Cette gouvernance est différente de la simple gouvernance de la donnée, dont le principal objectif est l’assurance d’une compréhension commune et partagée, l’identification et la représentation des circuits internes de transmission de la donnée. Le cadre de gouvernance englobe l’ensemble du processus allant de l’idéation jusqu’au déploiement à grande échelle en cadrant les différentes instances de validation et de suivi des concepts ainsi que la délicate phase de développement et apprentissage du concept piloté par les coûts financiers cash-burning. La data représente le terreau sur lequel germeront les innovations de demain.

 

IMAGINER DE NOUVEAUX USAGES

USAGE CHERCHE MODALITE ET ENRICHISSEMENT PAR LA DATA

Dans le cas où un nouvel usage a été identifié par les équipes métiers, il est alors nécessaire de le lier avec les solutions et les données déjà présentes au sein de l’organisation. L’équipe métier qui identifie l’usage le remonte au Data Guru de son équipe. Ce dernier va pouvoir exploiter les données en travaillant en binôme avec le Data Scientist. Dans le cas où les données ne seraient pas encore disponibles dans le data lake, l’équipe data est alors en charge de proposer des modes d’acquisitions pour celles-ci (achat, sourcing interne, …). Le Data Buyer peut aussi être sollicité si nécessaire. La mixité des compétences et des expériences de l’équipe data est indispensable pour permettre de ne pas restreindre le choix de solutions proposées au regard de l’usage cible. L’utilisation de données, associées à cette intuition de nouvel usage permet d’amener de nouvelles perspectives et informations venant enrichir l’idée initiale.

 

OPPORTUNITE DATA CHERCHE USAGE ?

Toujours dans la phase d’idéation, il est possible que l’équipe data identifie des opportunités grâce au travail conjoint des data miners, des data analysts et des data scientists. Celles-ci sont visibles lors de la présence d’incohérences ou d’éléments de surprises dans les résultats des modèles analytiques ou mathématiques. C’est dans le monde des finances que les opportunités statistiques ont été les plus utilisées. Ces dernières s’exportent d’ailleurs désormais aisément à la publicité en ligne via le Real-time Bidding. De manière plus concrète, lors d’analyses d’opportunités de marché, les équipes d’analystes de Wal-Mart ont détecté une corrélation forte entre l’occurrence de tornades et la consommation de snacks sucrés. En conséquence, l’opportunité a circulé entre équipe data et équipes métiers afin d’exploiter au mieux cette découverte et ainsi mettre en place une promotion adaptée, sans véritablement savoir pour quelles raisons, les veilles de tornades.

C’est donc dans ce cadre que l’information transverse doit circuler. Une fois les opportunités d’utilisation ciblées, il est nécessaire d’identifier les équipes data intéressées par l’utilisation de ces données pour rechercher-confirmer de nouveaux usages ou tout simplement une utilité. Pour cela une présentation des différentes opportunités détectées est mise à disposition de l’ensemble de l’équipe data et des Data Gurus au sein des équipes métiers. Un processus cyclique d’attribution des différentes opportunités à creuser est mis en place afin d’avoir des cycles courts de recherches. Les opportunités y sont classées suivant différentes catégories de preuves avant de basculer complètement vers les métiers pour en déterminer les usages associés (du plus au moins éprouvé) : opportunité validée / opportunité à confirmer / intuition / incohérence à analyser. Le partage et le travail collectif des membres de l’équipe data ainsi que la compréhension métiers des data scientists et du réseau de Data Gurus sont primordiaux d’afin d’adresser et de rechercher les usages au sein des métiers potentiellement concernés. Une fois qu’une ou plusieurs équipes opérationnelles prennent en compte ces opportunités, c’est alors à elles d’inventer de nouveaux usages qui viendront se nourrir des données.

Toutefois, il n’est pas envisageable d’innover sur les usages à un instant précis. C’est un processus long qui demande une ouverture et des échanges importants, l’innovation et la créativité pouvant émerger de partout. Des lieux d’échanges sont à sanctuariser afin d’assurer une mixité. En mettant en place des lieux tels que : cafétéria, salle de sport et de musique gratuitement à disponibilité de tous, en plus de garantir une grande diversité de compétences-âges-origines, l’organisation s’assure de générer des rencontres et échanges avec une véritable liberté d’expression.  L’importance d’un intranet complet comportant notamment un réseau social d’entreprise permet de fédérer et faire échanger des collaborateurs qui ne se seraient sans doute jamais croisés dans l’entreprise autrement. Le digital brise les frontières géographiques et physiques, ce qui facilite les échanges. Les rapprochements peuvent se faire sur des sujets professionnels (projets, métiers ou services communs) comme personnels (affinitaires), ce qui est d’autant plus source de relations, et donc d’innovation. Plus que des séances de travail ou du temps libre dégagé par l’entreprise pour laisser le collaborateur ‘innover’, c’est bien la culture des échanges et de la remise en cause qui font de l’entreprise une véritable machine à inventer des usages.

 

Après avoir détaillé qu’il existait deux points d’entrée dans la phase d’idéation, celle-ci prend fin lorsque l’idée/concept devient un prototype. Une phase de priorisation des différents concepts est alors nécessaire afin d’optimiser l’allocation des ressources disponibles.

 

PRIORISATION DES CONCEPTS

Cette phase de priorisation se décompose en deux temps. Il est d’abord nécessaire de qualifier le concept suivant 4 + 1 critères de notation afin que les potentiels des différents concepts puissent être comparés. Les différents critères se décomposent suivant des critères obligatoires :

  • l’aspect innovant et nouveau ;
  • l’utilité de ce concept pour l’utilisateur cible ;
  • la difficulté de la réalisation technique du concept et
  • la présence des compétences nécessaires à sa réalisation au sein de l’entreprise. L’estimation du potentiel marché est un critère indicatif à renseigner. Ces 5 critères qui permettent l’analyse des concepts suivant plusieurs angles permettent de garantir une méthode cohérente dans la sélection des concepts alors même qu’ils puissent être de natures complètement différentes. Ce comité est composé des personnes ayant les meilleures expertises/compétences pour juger et challenger les différents concepts du moment. Il est parfaitement possible voire recommandé que ce comité ne soit pas constitué des mêmes membres au fil du temps, suivant les différents concepts à évaluer. Proposer une notation par les collaborateurs de l’entreprise les plus aptes à le faire sans pour autant figer la constitution de ce comité permet de garantir la légitimité des décisions prises, de favoriser l’inclusion des collaborateurs, donc leur implication, et également l’équité dans la notation des concepts. Cette configuration permet de limiter les conflits d’intérêts et autres jeux politiques internes. Plus globalement, la présence d’une équioetransversal neutre, où l’expertise prévaut sur la hiérarchie pour valider ou infirmer une intuition, incite les collaborateurs à proposer leurs concepts.

La seconde phase d’investissement, qui se base sur la notation du premier comité est simplement un comité d’allocation de ressources. Ce comité, est traditionnellement composé des membres exécutifs de l’organisation. Celui-ci examine les notations ainsi que les commentaires des membres « experts » et alloue ou non des ressources au développement des concepts. Les concepts qui ne sont pas sélectionnés pour une allocation budgétaire ne sont pas pour autant perdus. Ils gardent leur notation et peuvent prétendre à une sélection lors d’un prochain comité d’allocation. Dans le cas où le concept évolue, il peut alors être re-noté comme s’il était un nouveau concept.

 

LE DEVELOPPEMENT ET L’APPRENTISSAGE DU CONCEPT

Une fois ce processus de GO/NO GO terminé, intervient alors la phase de « Cash Burning ». Une quantité de ressources limitée a été allouée au développement-test du concept. Le développement du pilote encore nommé Proof of Concept (PoC) ne correspond pas à une phase de projet. Bien que les objectifs et les moyens soient clairs, la dimension temporelle est manquante. Aucun jalon de date n’est imposé, c’est uniquement l’avancée financière qui est monitorée chaque semaine. Comme dans une relation avec un investisseur, le responsable du développement du concept doit justifier de ses dépenses, de son avancement et de sa prévision « d’atterrissage » chaque semaine. Le développement peut être arrêté à tout moment sur décision du chef d’équipe ou du comité d’investissement. La notion communément répandue par les sart-up de la Silicon Valley à travers le mantra de « Fail Fast. Fail early. Fail better » est très importante pour l’ensemble de la gouvernance. L’apprentissage dans l’échec et la capacité à mettre en pause des concepts qui n’auraient lors de leur développement pas le niveau de réussite attendu, est nécessaire pour la dynamique d’ensemble, parlant ouvertement et sereinement du tabou (très français) de l’échec. Nelson Mandela disait : « Dans la vie, je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ». Cette phrase montre que le développement de l’activité de l’entreprise passe par la culture intégrée de ses collaborateurs, qui doit être agile et résiliente. La phase s’arrête d’elle-même lorsque les ressources de développement sont épuisées. Le chef d’équipe effectue alors un bilan d’avancement, répertoriant le retour d’expérience (Rex) et l’analyse des causes de non réussite, puis il documente les apprentissages et points marquants de cette période. Vient alors naturellement une dernière phase de sélection des concepts.

 

LA VALIDATION DU CONCEPT

A partir du bilan dressé par le chef d’équipe, un dernier comité a pour objectif de valider les bons résultats de la phase de test, et de valider le début d’une phase de production & scalabilité du concept. Le comité a en charge l’étude des différents impacts du concept sur l’organisation que ce soit sur son fonctionnement/optimisation interne ou sur son business model. Ce comité a une composition mixte entre les managers exécutifs qui valide l’investissement (si nécessaire) et des experts qui seront les plus à mêmes d’étayer l’analyse des résultats. Cette mixité maximise la prise de décision engagée pour les concepts qui sont en rupture avec le business model historique et traditionnel de l’organisation. En effet, la direction de l’entreprise seule peut ressentir une certaine anxiété à arbitrer des solutions qui vont à l’encontre du business model actuel (et qui les fait vivre). La présence des « sachants » apporte une assise rationnelle et un équilibre qui permet d’effectuer des choix éclairés pour le bénéfice de l’organisation.

 

HIERARCHIE RELATIVE DES DIFFERENTS CONCEPTS

Les usages étant maximisés et la détection d’opportunités nombreuses, les règles de gouvernance doivent être dans un même temps :

  • strictes afin d’avoir dans son périmètre les notions de sécurité des données,
  • relatives à la conformité et la protection de l’entreprise dans son ensemble
  • agiles pour être capable de toujours se réinventer et être au plus proche des nombreux projets à mener, tous très différents.

Le contrôle de l’avancement des différents concepts se fait uniquement par le cash, non pas pour aller rechercher un ROI mais bien pour piloter les dépenses et les comparer aux enseignements obtenus lors des phases de tests des concepts.

 

Cette gouvernance accompagnera le changement d’échelle du concept et s’adaptera aux particularités de ce dernier, elle permet ainsi de créer une hiérarchie relative des concepts alors qu’ils ont des degrés de maturité, des finalités et des impacts différents sur l’organisation.