Bengs Lab

La donnée, nouvel épicentre de l’innovation

4 Le changement d'échelle

Idéation et multiples bonnes idées

Nous avons vu comment organiser l’entreprise et la gouvernance pour maximiser la valeur de la data. Le principe clé étant la mise à disposition de la donnée pour générer le plus grand nombre de nouveaux usages qui créeront potentiellement une valeur plus grande. Les méthodes d’innovation propres au design de produits et services par les usages diffèrent largement de l’innovation technologique, notamment le cycle en V. Trois principes clés, mis en œuvre dans le cadre du Bengs Labs saison 5, sont à mettre en oeuvre conjointement : l’open innovation, la co-construction, et le test & learn.

 

MOBILISER L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

L’open innovation est un concept développé par Chesbrough en 2003, qui oppose innovation fermée et « innovation ouverte [comme] utilisation de flux de connaissances sortants et entrants pour accélérer à la fois l’innovation interne et le marché des usages externes de l’innovation. Le paradigme de l’innovation ouverte peut être compris comme l’antithèse du modèle traditionnel d’intégration verticale où les activités internes de la R&D conduisent à des produits développés en interne qui sont ensuite distribués par l’entreprise». En adoptant une stratégie d’open innovation, une organisation facilitera l’acquisition et le transfert de connaissances vers l’extérieur, permettant ainsi d’augmenter son intégration avec son écosystème et de détecter rapidement des opportunités ou des changements sur son marché.

De son côté, la co-construction des innovations avec les utilisateurs prend pour fondement que le cycle d’innovation s’est accéléré et qu’il est bénéfique de concevoir le produit ou service avec les utilisateurs dès l’amont du processus d’innovation pour faciliter l’intégration et l’adoption par le marché. La co-construction peut se faire de différentes manières : observations anthropologiques pour identifier finement les pratiques dans lesquelles s’insèreront innovation, analyse ergonomique des interfaces, études anthropométriques, design de l’expérience ou encore tests de scénarios d’usage avec les utilisateurs. Des méthodes de co-construction existent : ateliers de co-développement, intelligence collective, démarche de design thinking.

Enfin, corollaire des points précédents, il s’agira d’adopter une posture ouverte de type « test & learn » pour mesurer rapidement la pertinence du projet. Chaque retour d’expérience permet de corriger les points faibles du concept et de mettre en place les changements permettant de maximiser l’adéquation avec le marché, de justifier d’investissements plus conséquents et ainsi d’accélérer le développement économique.

 

GERER LES MULTIPLES BONNES IDEES

Maximiser les initiatives, les budgets, les disponibilités des dirigeants, des managers et des collaborateurs pour dénicher les bonnes idées nécessite en conséquence d’apprendre à gérer les priorités. La nouvelle gouvernance est en place pour susciter les vocations et amorcer le clustering de son organisation mais l’étape suivante représente un challenge encore plus complexe : gérer l’accumulation de bonnes idées.

Dans les faits, une fois les premiers collaborateurs sélectionnés et « associés » au sein de leurs clusters respectifs, ils restent néanmoins disponibles pour d’autres clusters qui nécessiteraient leurs compétences également ou en priorité. En parallèle, d’autres collaborateurs également mobilisés au fur et à mesure intègreront de nouveaux clusters et mobiliseront de leur temps afin de faire avancer leur sujet. Certains clusters s’arrêteront aussi. Mais dans tous les cas, le turnover des idées et donc des collaborateurs sera accru en interne et il faudra donc apprendre à gérer cette profusion d’idées venant de l’interne.

Les comités mis en place sont crédibles pour sélectionner les bons experts et conserver une cohérence d’investissement, néanmoins la multiplication des clusters créera plusieurs cas de figure :

  • Des idées similaires émergent avec des synergies et des améliorations significatives mais les porteurs ne se connaissent pas forcément dans l’entreprise. Il faudra donc identifier les profils potentiellement sources d’idées, leur permettre de collaborer et ainsi accélérer le développement avec le risque de ne pas avoir besoin de tous les collaborateurs initialement sélectionnés.
  • Dans le cadre d’un budget limité, les priorités des projets pourraient changer et certains collaborateurs pourraient devoir stopper leur démarche. Le risque à éviter serait donc de créer de la frustration et d’annihiler l’innovation suscitée.
  • Certains clusters qui ne se développeraient pas assez vite seraient remplacés par d’autres dont le potentiel semble plus clair. La gestion des temps de développement nécessaires pour qu’un projet puisse parvenir à maturité est une question essentielle à traiter afin de ne pas manquer une opportunité que d’autres entreprises pourraient traiter davantage ou éviter le départ de collaborateurs qui y croiraient davantage. Il est intéressant de mettre en place des outils simples et fluides de reporting selon des indicateurs de performance clé pertinemment choisis. Parallèlement, ce système permet de confirmer régulièrement la motivation, le dynamisme et la valeur ajoutée par les collaborateurs.
  • La multiplicité des clusters pourrait rendre la quantité d’innovateurs disproportionnée par rapport au nombre de collaborateurs non sollicités qui pourtant maintiennent le business courant. L’implication de tous les collaborateurs de près ou de loin sera un défi croissant qu’il faudra accompagner en aidant les collaborateurs à mieux définir leurs compétences et mieux définir leurs projets éventuels. Le choix des profils selon leur complémentarité et compétences de savoir-être (softskills), au-delà des connaissances (savoir) et compétences de savoir-faire est primordial pour la réussite et la pérennité des projets. Certains outils existent pour identifier les talents (MBTI, DISC, logiciels en SaaS comme e-Lamp)

 

En conséquence, l’animation de l’innovation, au risque de générer une frustration importante, devra clarifier les coexistences de plusieurs modèles économiques ou de plusieurs entreprises internes dont il faudra assurer la cohérence globale.